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MessageSujet: Texte   Texte Icon_minitimeLun 30 Avr - 19:12

Rabelais – Pantagruel (1532)


Bien que publié avant Gargantua (1535), Pantagruel conte les aventures de Pantagruel, fils de Gargantua, roi du pays d’Utopie. Dès sa parution, l’ouvrage fut censuré par la Sorbonne. Parvenu en âge de faire des études, Pantagruel, dont le nom signifie selon une étymologie fantaisiste de Rabelais, « tout altéré », autrement dit « toujours assoiffé », entreprend un véritable tour de France des universités qui le mène à Paris. Son père, Gargantua, lui adresse alors une lettre qui constitue un manifeste des idées pédagogiques de l’humanisme.

Maintenant toutes les disciplines sont rétablies, et l'étude des langues instituée: le grec, sans lequel c'est une honte qu'on se prétende savant, l'hébreu, le chaldéen et le latin; l'imprimerie, qui fournit des livres si élégants et si corrects, est en usage, elle qui a été inventée de mon vivant par une inspiration divine, alors qu'au contraire l'artillerie l'a été par une suggestion diabolique. Le monde entier est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de bibliothèques très importantes, au point que, me semble-t-il, ni au temps de Platon, ni en celui de Cicéron, ni en celui de Papinien, on ne pouvait étudier aussi commodément que maintenant, et désormais on ne devra plus se montrer en public ni en société, si l'on n'a pas été bien affiné dans l'atelier de Minerve. Je vois les brigands, les bourreaux, les mercenaires, les palefreniers d'aujourd'hui, plus doctes que les docteurs et les prédicateurs de mon temps. Que vais-je dire? Les femmes et les filles ont aspiré à cette gloire et manne céleste que sont de bonnes études. C'est au point qu'à l'âge où je suis, j'ai été contraint d'apprendre le grec, que je n'avais pas méprisé comme Caton, mais que je n'avais pas eu le loisir de découvrir en mon jeune âge, et je me délecte volontiers à lire les Oeuvres morales de Plutarque, les beaux Dialogues de Platon, les Monuments de Pausanias, et les Antiquités d'Athénée, en attendant l'heure où Dieu, mon créateur, voudra m'appeler et m'ordonner de quitter cette terre.
C'est pourquoi, mon fils, je t'engage à employer ta jeunesse à bien progresser en savoir et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon: l'homme par un enseignement direct et de vive voix, la ville par de louables exemples, ont pouvoir de te former.
J'entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues: premièrement le grec, comme le veut Quintilien; deuxièmement le latin; puis l'hébreu pour les saintes Lettres, le chaldéen et l'arabe pour la même raison; et que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin. Qu'il n'y ait pas d'étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire et pour cela tu t'aideras de l'universelle encyclopédie des auteurs qui s'en sont occupés.
Des arts libéraux: géométrie, arithmétique et musique, je t'en ai donné le goût quand tu étais encore jeune, à cinq ou six ans; achève le cycle; en astronomie, apprends toutes les règles, mais laisse-moi l'astrologie et l'art de Lulle, comme autant de supercheries et de futilités.
Du droit civil, je veux que tu saches par coeur les beaux textes, et que tu me les mettes en parallèle avec la philosophie.
Et quant à la connaissance de l'histoire naturelle, je veux que tu t'y adonnes avec zèle: qu'il n'y ait mer, rivière, ni source dont tu ignores les poissons; tous les oiseaux du ciel, tous les arbres, arbustes, et les buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de toits les pays de l'Orient et du Midi, que rien ne te soit inconnu.
Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes et les Cabalistes et, par de fréquentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de cet autre monde qu'est l'homme. Et pendant quelques heures du jour, va voir les saintes Lettres: d'abord, en grec, le Nouveau Testament et les Epîtres des apôtres puis, en hébreu, l'Ancien Testament.
En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillité et le repos de l'étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre ma maison, et de secourir nos amis dans toutes leurs difficultés causées par les assauts des malfaiteurs.
Et je veux que, bientôt, tu mettes à l'épreuve tes progrès; cela, tu ne pourras pas mieux le faire qu'en soutenant des discussions publiques, sur tous les sujets, envers et contre tous, et qu'en fréquentent les gens lettrés qui sont tant à Paris qu'ailleurs.
Mais - parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n'entre pas en âme malveillante et que science sans conscience n'est que ruine de l'âme - tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en Lui toutes tes pensées et tout ton espoir, et par une foi nourrie de charité, tu dois être uni à Lui, en sorte que tu n'en sois jamais séparé par le péché. Méfie-toi des abus du monde; ne prends pas à coeur les futilités, car cette vie est transitoire, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable pour tous tes proches, et aime-les comme toi-même. Révère tes précepteurs, fuis la compagnie des gens à qui tu ne veux pas ressembler, et ne reçois pas en vain les grâces que Dieu t'a données. Et, quand tu t'apercevras que tu as acquis au loin tout le savoir humain, reviens vers moi, afin que je te voie et que je te donne ma bénédiction avant de mourir.
Mon fils, que la paix et la grâce de Notre-Seigneur soient avec toi. Amen.


François Rabelais, Pantagruel, IIe livre, chapitre 8.
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