Analyse prise sur le net :
INTRODUCTION
Cette fois, voici une des confessions de Rousseau qui justifie vraiment le titre de l'ouvrage. Il ne se contente pas de nous raconter sa vie : il se confesse, et même, il s'absout (il se "pardonne"), ou du moins, selon le mot d'André Maurois, il "bat sa coulpe" vigoureusement en sachant que le lecteur l'absoudra.
On pourra analyser successivement :
I. Le récit de l'incident "Il est bien difficile . s'accomplir"
II. Le commentaire "J'ignore ce que . mes confessions"
III. Le plaidoyer "J'ai procédé rondement . du courage"
I. LE RECIT
Au moment où se situe cet épisode, en 1728, Rousseau se trouve à Turin, ou l'a envoyé Mme de Warens : convertit de fraîche date, il est plus ou moins livré à lui-même, et bat le pavé de la capitale Piémontaise.
Après le passage sentimentale chez la jolie Mme Basile, il est pour trois mois chez Mme de Vercellis. Mais elle vient de mourir et dans le désordre de la succession, se produit l'incident auquel Jean Jacques, vieilli, consacre toute la fin du livre II des Confessions.
Le récit est naturel, vif. L'ordre suivi est des plus clair : du vol, on passe à l'enquête et à la dénonciation, puis à la confrontation et au débat, avant que ne soit prononcé le verdict qui renvoi les parties dos à dos. Le jeu des temps verbaux est remarquable : il fait succéder au passé simple, le présent, plus direct et plus évocateur, avant de revenir au passé simple. Quelques imparfaits de-ci de-là expriment l'état de l'antériorité. L'emphase (la solennité) des qualificatifs n'est pas moins notable : ils sont tous destinés à noircir et à charger Rousseau (barbare cour [l.1912], infernal, diabolique) : la volonté du coupable ni est pour rien : ce fut ouvre du démon, aux attaques duquel un pauvre innocent n'a pu résister.
Le portrait moral doit rendre la victime intéressante : jeune, jolie, innocente, honnête, saine fille des montagnes ... Chez Marion (déjà pure héroïne de mélodrame), on notera la correspondance entre le physique et le moral. Inversement, tous les détails contribuent à noircir le jeune voleur. Enfin, tout doit minimiser le larcin et le préjudice, le désordre dans lequel est plongé la maisonnée. Quand au ruban, il est petit et vieux.
II. LE COMMENTAIRE
Rousseau examine les conséquences de l'acte de ce vol successivement pour Marion et pour lui ("j'ignore ce que devint ... [l.1937]). Pour Marion, il se trouve à émettre une simple hypothèse mais si l'affaire lui tient tant à cour, pourquoi n'a t il jamais cherché à savoir ce qu'est devenu Marion ? Lorsqu'il parle de lui, il souligne la disproportion entre l'insignifiance du larcin et la gravité de ses incidences.
Rousseau a marqué fortement au cours du récit le contraste entre sa propre obstination et la vertu digne et généreuse de Marion. Elle est parfaite : elle est l'ange assailli par un véritable démon. Mais ce jeu d'hypothèses gratuites et d'antithèses finit par infléchir assez hypocritement la situation réelle : la victime, suppose Rousseau, à sans doute connu bien des déboires en son existence matérielle. Mais Rousseau semble considérer que cela n'est rien au prix des souffrances morales que lui-même a connu dans sa vie. Le coupable se rend intéressant et pitoyable : nuits agitées, visité par la douloureuse image de Marion, une vie orageuse [l.1957], remords [l.1960], sans la confidence d'une amitié consolatrice. Seul une exigence de pénitence l'aurai amené à la confidence de sa faute, donc à la rédaction de ses Confessions.
III. LE PLAIDOYER
Rousseau est fort habile ici : tous les traits par lesquels il s'était chargé sont maintenant repris et se trouvent fournis des justifications de sa conduite et autant de circonstances atténuantes. Paradoxalement, d'accusé, Rousseau passe pour finir au rôle d'accusateur. Il rejette la responsabilité sur autrui, selon un processus qui lui est assez coutumier.
A en croire Rousseau, l'excès d'intérêt qu'il portait à Marion le poussait à la charger du vol lorsqu'elle fut présente à ses yeux. Si vraiment quelques penchants le portait vers elle, Marion dut être le dernier objet sur lequel il dut s'excuser. Quel rapport entre avoir songé donner le ruban à Marion et la laisser accuser du larcin ?
Il n'en demeure pas moins que pour un individu aussi stupide qu'il se prétend et n'ayant que l'esprit de l'escalier, Jean-Jacques manie passablement l'art de décharger sa responsabilité : toute la faute en définitive incombe à ces grandes personnes raisonnables, habiles, cultivées qui n'ont pas su le prendre, le guider et le délivrer de son aveu ("tout était si facile à arranger"). Et tout s'arrange si facilement avec des si .
Pauvre Rousseau, Rousseau l'incompris.
CONCLUSION
Malgré la grâce et la vivacité du récit, une gène subsiste après la lecture de ces pages. On tiendra compte à Rousseau de ses bonnes intentions, de son courage. Son mea-culpa semble sincère et sans doute aussi le remords qu'il affiche, mais cette confession publique fournit des armes contre lui : son insistance à s'appesantir sur un si minime incident devient suspecte. Par un trop habile plaidoyer, il rejette à posteriori toute la responsabilité sur autrui et n'endosse que l'acte matériel. C'est une singulière appréciation morale des délits et des devoirs.
J'aimerais bien que quelqu'un se devoue pour m'aider